Crillon Le Brave, 18-19 juin 2018
Séminaire fermé, Hicham Alaoui Foundation
Depuis la révolution iranienne de 1978, la question de la démocratisation du monde arabe tourne autour de l’islamisme : le problème central a été perçu comme celui de la compatibilité entre islamisme et démocratie, et la question des régimes autoritaires a été vue sous l’angle de l’éradication de l’islamisme comme préalable à toute possible ouverture politique. Le salafisme n’a été étudié que dans son rapport au jihadisme, et le jihadisme comme la synthèse radicale de l’idéologie islamiste et de la religiosité salafiste.
Or les dernières années ont montré l’inanité de cette approche : les Frères Musulmans ont été soit récupérés (Maghreb, Jordanie) soit quasiment éliminés (Egypte, Syrie) ou marginalisés (Liban). Le salafisme s’est considérablement diversifié, le jihadisme quant à lui s’est autonomisé et demeure l’apanage soit des grandes organisations globales (AQ, ISIS) soit des « émirats islamiques » (Mali, Sinaï), qui jouent aux marges des grands pays arabes. La reprise en main du wahhabisme par MBS contribue sans doute à cet éclatement du domaine salafiste.
Mais la crise des mouvements islamistes rouvre le champ religieux : ils prétendaient non seulement avoir le monopole de l’islam en politique, mais être les seuls porteurs cohérents du projet d’incarner les normes et valeurs islamiques dans l’espace public. Or leur intégration dans le système politique (Maghreb) montre qu’ils sont en fait comme les autres acteurs politiques, et leur exclusion violente du système politique (Egypte) montre leur incapacité à représenter de manière crédible une réelle alternative islamique : les acteurs salafistes comme les gouvernements autoritaires se réclament aussi de l’islam. Bref les islamistes ont perdu sur tous les tableaux. Y-a-t-il une force politique qui pourrait reprendre un discours islamiste au niveau national ? ou bien faut-il considérer que la revendication islamiste s’est déplacée du champ national pour ne survivre qu’au niveau du jihad global ?
Le problème est que le champ proprement religieux a été traité de manière pointilliste et locale par la recherche universitaire. Il manque donc une mise en perspective et en corrélation de l’évolution de l’islamisme et des changements proprement religieux des sociétés arabes. De plus, il faut repenser l’action des régimes autoritaires dans le champ religieux, car il ne s’agit plus simplement pour eux de combattre l’islamisme mais de trouver une légitimité religieuse contre la démocratisation.
Le séminaire se propose :
1) de faire un bilan de l’islamisme dans le monde arabe, en tentant de dégager les perspectives politiques.
2) si l’islamisme est en crise ou en déclin, que deviennent ses slogans sur l’état islamique ou la mise en œuvre de la charia. Est-ce la mort de l’islamo nationalisme ? que devient la revendication de la mise en œuvre de la charia ? Va-t-on voir revenir un islamisme en diaspora ? Qui peut, au plan des sociétés arabes, remettre sur le tapis la question de la norme islamique ?
3) les salafis sont-ils une force politique ?
4) comment joue la mise en place d’un islam officiel qui n’est plus simplement réactif, mais qui se veut un instrument de politique domestique et international (Maroc).
5) peut-on parler, dans le monde arabe, d’une transition séculariste comme on a pu parler d’une « transition démographique »
6) Etant donné que la question des valeurs n’est plus un argument de la contestation islamiste, et que, au contraire, cette question est récupérée par les régimes néo-autoritaires qui promeuvent un agenda conservateur, qui sont les acteurs et les lieux du débat sur les valeurs?”
Intervenants
Hicham Alaoui
Louloua Al Rashid
Mohamed Ali Adraoui
Joseph Bahout
Farhad Khosrokhavar
Stéphane Lacroix
Henry Laurens
Khadija Mohsen Finan
Olivier Roy