Paris, Fondation Hugot, 25-26 juin 2011
A première vue, la problématique migratoire renvoie à la rhétorique européenne marquée par la prégnance des discours sur la « menace migratoire » volontiers confondue avec la «menace terroriste». Or, la configuration géopolitique dans laquelle les régimes arabes déchus, contestés ou menacés se sont voulus le rempart de l’Occident contre un islamisme destructeur et une migration africaine et/ ou asiatique massive est fortement ébranlée ; de même, les mouvements de populations sur la frontière Est de la Lybie et l’exode massif et précipité de centaines de milliers de travailleurs migrants arabes, africains ou asiatique amènent des interrogations sur le sort de plusieurs millions de travailleurs migrants qui vivent et travaillent dans les différents pays de la région.
Comment vont se reconstruire les discours, les pratiques et les politiques migratoires au regard des nouvelles donnes? Pourtant, le fait migratoire ne se limite pas à ces deux observations et les conséquences qui peuvent en découler à l’échelle régionale ou mondiale. Les migrations renvoient également aux bouleversements dans les sociétés arabes diverses, à l’histoire desquelles elles sont étroitement liées ; à travers les circulations des hommes, des capitaux et des technologies, elles véhiculent des modèles idéologiques et politiques déterminants dans le changement de paradigme en cours aujourd’hui dans la région. Ce changement de paradigme se caractérise par le basculement de la primauté du déterminant géopolitique auquel les régimes arabes se sont historiquement adossés pour se mettre en place et / ou se consolider, à la primauté des droits politiques et sociaux. Au vu de ce basculement, la migration se pose comme un exutoire et comme un catalyseur.
A) La migration comme exutoire est à prendre dans le cadre des histoires nationales diverses, et des politiques historiquement menées par les régimes successifs. Malgré la diversité des histoires nationales des différents pays aujourd’hui engagés dans un processus irréversible, des points communs marquent les politiques des différents régimes. L’absence de droits politiques et sociaux, et la restriction progressive des identités nationales aux composantes arabo-musulmanes, sont déterminantes dans les migrations des minorités religieuses, des élites sociales, et des générations successives d’opposants politiques. Cette migration renvoie également aux politiques économiques adoptées par les différents régimes, fondées d’une part sur les subsides des émigrants et, d’autre part, sur le recours éventuel à une main-d’œuvre asiatique et/ ou africaine, tournante, en tout cas peu ancrée dans le tissu national, et peu vindicative.
B) La migration comme catalyseur des expériences individuelles et collectives renvoie à la circulation des divers modèles de sociétés et confirme l’inscription des sociétés arabes dans un système de valeurs mondialisées : dénonciation de la corruption, rejet des pouvoirs plénipotentiaires, aspiration à plus de libertés publiques et de droits sociaux. Force est de constater que les nouveaux médias et les réseaux sociaux électroniques, servent de catalyseur politique à ces aspirations et constituent un fait d’avant-garde générationnelle dont la puissance mobilisatrice s’est avérée subversive, efficace et contagieuse. Pendant deux jours, des chercheurs et des experts – historiens, politologues, sociologues, anthropologues- confrontent leurs points de vue sur cette problématique et sur les conséquences à terme sur les deux rives la Méditerranée, au vu de l’évolution de la situation dans la région et les pays européens. La réflexion s’organise autour de deux axes.
Le premier axe s’intitule Questions migratoires et mouvements sociaux : les nouveaux enjeux autour d’un nouveau paradigme. Il structure les nouvelles problématiques qui, au regard des déterminants sociaux et politiques des révoltes arabes, articulent les questions migratoires et s’imposent dans le champ géopolitique et de la mondialisation. Les politiques à l’échelle régionale et européenne, ainsi que les dispositifs destinés à contrôler les flux migratoires sont analysées à partir de cas comme ceux du Sultanat d’Oman, du Kuwaït et de la Jordanie.
Le deuxième axe s’intitule Histoires conflictuelles et identités partagées: figures de l’étranger et constructions identitaires. Cet axe s’appuie sur l’articulation entre construction nationale et constructions identitaires pour dégager la fonction des migrations dans les deux processus. Qu’il s’agisse de la marginalisation progressive des minorités dans les processus de construction nationale qui les stigmatise en tant qu’étrangers et les pousse à la migration, de leurs rôles plus ou moins déterminants dans les conflits et les arbitrages nationaux, de leur place dans les dynamiques en cours, de leur intégration aux débats publics, dans les sociétés d’accueil européennes ou arabes, c’est la différence entre la figure du migrant et celle de l’étranger, en amont et au cœur des tourmentes actuelles qui se trouve questionnée.
Pour télécharger les communications en PDF:
Titre: La Dépendance de l’Étranger de Groupes communautaires libanais
Auteur: Ahmed Baydoun
Titre: Du cosmopolitisme colonial au nationalisme arabe
Auteur: Michèle Baussant
Titre: La question des migrants à la lumière du printemps arabe dans le sultanat d’Oman
Auteur: Jihan Safar
Titre: La mobilité pour études, risque migratoire ou migration risquée
Auteur: Constance de Gourcy
Titre: Réformes politiques et enjeux sociaux au Maroc
Auteur: Jalila Sbai